Une création initiée par le Petit Théâtre du Vieux-Noranda, Les Zybrides
en coproduction avec Rhizome
Direction artistique du projet : Sonia Cotten
Mise en scène : Simon Dumas
Textes et interprétation : Sonia Cotten et Érika Soucy
Scénograhie : Julie Mercier
Chorégraphie : Audrée Juteau
Jeu : Valérie Côté et Stéphane Franche
Conception musicale et sonore : Marie-Hélène Massy-Emond et Jean-Philippe Rioux-Blanchette
Conception des éclairages : Lyne Rioux
Intégration technologique : Valentin Foch
Conception graphique : Studio T-Bon

Certaines femmes à la grande pulsion de liberté ont tout remis en question, tout mis à plat sur la table : le patriarcat, le modèle familial traditionnel, la sexualité. Elles ont ouvert un chemin, brisé le carcan, défriché et expérimenté. Elles ont joint la parole à la pensée et les actes à la parole. Elles ont mis leur plan à exécution, ont eu des amants, des maîtresses, des enfants. Elles ont réinventé leur vie. Elles ont laissé derrière elles une trace révolutionnaire de ce qui fut certainement le début d’un mouvement qui continue aujourd’hui d’exploser.

Jeanne- Mance Delisle est de celles-là. Dans son œuvre, tout en exposant les travers hypocrites de sa société, elle a cherché à toucher à ce que l’Être humain a de primitif, d’avant la vie en société. Un retour aux origines. Quarante ans plus tard, qu’est-ce qui a tenu et qu’est-ce qui a cédé de cette repensée du monde?

Deux écrivaines de générations différentes se sont immergées dans l’œuvre de Jeanne-Mance Delisle : Sonia Cotten, directrice artistique et poète, et Erika Soucy, dramaturge, scénariste et poète. Elles ont questionné l’œuvre et projeté leur sensibilité mais aussi leur posture citoyenne, à la rencontre de l’univers de Delisle, de ses personnages, de ce qu’iels vivent et de leur sacrifice. Cette production, misant sur l’interdisciplinarité et mettant au centre les arts performatifs plutôt que le théâtre traditionnel, offre aux spectateur·ices les codes des œuvres qui sont présentées, les mettant en contexte. Elle questionne l’œuvre de Jeanne- Mance et provoque chez chacun·e une réflexion sur ses croyances, convictions, préjugés, conditionnements et vérités.

Sur scène : de la musique live, une comédienne et un comédien en plus de la poète. L’autrice, qui tient ici un rôle proche de la conférencière-analyste, sera présente sur scène ou en télé- présence dépendamment de la situation que nous connaissons.

Chez ces dernières, la rencontre est comme un choc souvent, mais l’impact n’a pas lieu au même point de l’être chez l’une et chez l’autre. Chez Cotten, c’est dans sa fibre même, dans les lignes de force du territoire. Chez Soucy, c’est dans la chair.

Et la scène devient une zone confrontante où des écrivaines questionnent une œuvre et ses personnages, auxquel·les on a insufflé vie pour l’occasion.

On est dans #metoo, la censure, la famille, la tragédie ordinaire, l’aveuglement volontaire mais surtout, on est dans la notion de sacré. On est dans la réflexion face à sa propre violence; la petite, l’individuelle, la collective, la dénigrante, la familiale, à-travers une œuvre magistrale qui propose une plongée vertigineuse dans le monde secret et obscur de l’âme humaine.

C’est 1980 et c’est 2020. Le débat est tendu, les arguments abrasifs; une étincelle pourrait mettre le feu. Revisiter cette œuvre coup-de-poing s’échelonnant sur 40 ans était nécessaire et a abouti à un spectacle dérangeant, pertinent, percutant. Et c’est une façon de soutenir les artistes qui créent dans les régions, une façon de célébrer une œuvre féministe et les 40 ans d’Un oiseau vivant dans la gueule qui, rappelons-le, s’est tout de même mérité le prix du Gouverneur général en 1987.

Simon Dumas, metteur en scène du Cœur sacré de Jeanne-Mance

Mot du metteur en scène

De la poésie comme force transversale

C’est à la demande de la poète Sonia Cotten que je me suis engagé dans ce projet. Je l’ai fait en spécifiant que je ne monterais pas une pièce de Jeanne-Mance Delisle, mais que j’étais intéressé à participer à la création d’un spectacle dans lequel une poète (Cotten) va à la rencontre de l’œuvre d’une autre. L’autre écrivaine, Jeanne-Mance Delisle, mais aussi l’autre « langage » car l’une s’exprime en poésie tandis que l’autre le fait tantôt en théâtre, tantôt en roman ou en nouvelles. Ce serait donc un projet à la fois interdisciplinaire, intertextuel et intergénérationnel. J’ai envie d’ajouter interterritorial. Pourquoi? Parce que Sonia Cotten a invité Erika Soucy à jeter à son tour son propre éclairage sur l’œuvre de Delisle. Erika Soucy a grandi sur la Côte-Nord. Une autre réalité, un autre regard.

Ce spectacle sur lequel nous avons travaillé repose donc sur trois piliers : le théâtre de Jeanne-Mance Delisle, une conférence d’Erika Soucy portant sur sa réception de ce théâtre et une poésie de Sonia Cotten dont les racines plongent dans le terreau de ce même territoire de l’Abitibi, ce vivier qui a donné sang, amour, haine et vie aux personnages intenses de l’œuvre de la grande écrivaine abitibienne qu’est Delisle. Partant de là, mon travail a consisté à chercher l’équilibre entre ces trois piliers afin de former un tout cohérent. Je m’y suis employé en gardant à l’esprit mon intention de départ : mettre en scène Sonia Cotten à la rencontre de l’œuvre de Jeanne-Mance Delisle. Au fil des mois de travail, cette intention de départ n’a pas changé. Et le cœur de la proposition — ou en tout cas ce qui le fait battre — est demeuré la poésie.

C’est elle qui permet avec le plus de nuance d’explorer l’humain et ses contradictions. Alors que Soucy s’adresse merveilleusement bien à l’intelligence des gens et ce, sans compromis ni complaisance, Cotten, avec ses poèmes, sonde l’effet viscéral qu’ont ces scènes de théâtre sur le public et sur nous-mêmes. 

La poésie de Sonia Cotten

MON ENFANT D’CHIENNE

Volonté mon enfant d’chienne Reprends la parole
Ne donne pas au désir
Un pouvoir qu’il n’a pas
Redessine des symboles
Redresse-toi volonté debout

Faut que j’défende ton titre
Faut qu’j’accuse tes coups
Oui tu sens la vitre cassée
Oui ton âme est en faillite
T’étais une batailleuse, t’avais le luxe du premier coup de poing
Et là, à part de pots-de-vin et de mots vides,

T’es faite de quoi?
Moi il me reste une rage sale et sourde au bon sens

Et ma conviction qui agonise
Comme un oiseau dans mes mains aux doigts en brindilles
Nid de tortures mondiales
Dans lequel:

Le tourisme sexuel
des enfants dans les usines qui fabriquent des jouets l’anxiété climatique
la pollution informatique des clouds
l’obsolescence programmée
Le meurtre de ses propres enfants
L’abandon de soi
la gentrification de la morale
Le souffrage universel
Tu penses que j’aime pas l’monde hein
Tu penses que je l’aime pas
Tu l’aimes sûrement plus que moi
Tu l’aime quand il jappe pas
Comme un chien que tu domptes à coup d’pieds Volonté occidentée j’ai besoin d’toi MAINTENANT J’peux pu chialer devant rien mets-toi là
Ça te coûtera rien

J’va brailler avec mes poings

Captation intégrale d’une répétition du spectacle

Gallerie photos

Partenaires

Le cœur sacré de Jeanne-Mance est une coproduction de Rhizome et du Petit théâtre du Vieux-Noranda. Le projet a bénéficié d’une bourse du Conseil des arts du Canada versée à Sonia Cotten.

Petit théâtre du Vieux-Noranda
Conseil des arts du Canada